I almost forgot, 2025




Isabel sent me the pieces
of a broken porcelain plate
that belonged to her mother
Tine was felting stones
and hiding words under the wool
Ana was sewing a goblet with her own hair
I missed my mother
and my mother smells like wool
as I do too now says Manuel
Rabbits were following me everywhere
The battery of the camera my grandfather
gave me years ago was running low
and so was he
I needed to think
I needed to do
We were discussing parting ways
and I couldn't write anymore
All the needles broke
and the moths began eating the wool
While I was repeating the movement
wrapping these objects with my hands
I remembered this story
that my grandfather told me
about a bombshell piece
that tangled itself in his woolen blanket
eighty-one years ago.











I almost forgot est une collection d'objets que j'ai rassemblés et récupérés au fil du temps. Certains m'ont été offerts, mais la plupart avaient été jetés, oubliés, que j’ai souvent trouvés dans la rue et choisi de les préserver en les enveloppant de laine feutrée. Dans ces objets abandonnés, je vois la fragilité des liens, des matériaux, des histoires et de la mémoire elle-même. 

Le feutrage est un travail lent et répétitif. Même si l'on peut parfois sursauter lorsque l'aiguille pique le doigt, il s'agit surtout d'un processus méditatif. À mesure que les mains travaillent, les souvenirs refont surface. Les conversations interrompues ressurgissent. Les histoires réapparaissent.

L'une de ces histoires est celle qui m'a été racontée par mon grand-père il y a quelques années. Mon grand-père possèdait un meuble en bois rempli de tiroirs mystérieux et dans l'un d'eux il gardait un fragment d’obus. Il était lourd et froid lorsqu'il l'a posé dans ma main. Il le conservait depuis le jour où il avait traversé la fenêtre de sa chambre d'enfant pendant les bombardements de la Seconde Guerre mondiale en France. Par un coup de chance, ce fragment s'est emmêlé dans la couverture en laine qui recouvrait son lit, ralentissant sa chute.

I almost forgot
est une tentative d’adoucir les angles, de se souvenir en faisant, de préserver les fragilités, d’attester les fractures. Cette constellation personnelle est une ode aux relations, aux liens et aux histoires qui touchent et dont on hérite. 

Vues de l’exposition chez Bladr, Copenhagen (DK), Juillet 2025.
Avec le soutien de Statens Kunstfond, Københavns Kommune Rådet for visuel kunst et du Bureau International de Jeunesse de Belgique.